Tsai Ming-Liang : " Les hommes se comportent comme des chiens et les chiens comme des hommes"
Dans un entretien avec Charles Tesson, le réalisateur Tsai Ming-Liang revient sur les thématiques de son film. La1
Un père et ses deux enfants vivent en marge de Taipei. Trouvant à peine de quoi se nourrir, un soir, il décide d'emmener ses enfants dans un voyage en barque.
Un père et ses deux enfants vivent en marge de Taipei, entre les bois et les rivières de la banlieue et les rues pluvieuses de la capitale. Le jour, le père gagne chichement sa vie en faisant l’homme sandwich pour des appartements de luxe pendant que son fils et sa fille hantent les centres commerciaux à la recherche d’échantillons gratuits de nourriture. Un soir d'orage, il décide d'emmener ses enfants dans un voyage en barque.
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
" Il est le cinéaste des limbes, de la solitude urbaine, du désespoir moderne. Né en 1957, héritier revendiqué de la Nouvelle Vague français
" Il est le cinéaste des limbes, de la solitude urbaine, du désespoir moderne. Né en 1957, héritier revendiqué de la Nouvelle Vague française, petit frère des grands maîtres taïwanais Hou Hsiao-hsien et Edward Yang, qui ont placé, au milieu des années 1980, la petite île rebelle au cœur de la planète cinéphile, Tsai Ming-liang a pensé que ce nouveau long-métrage serait peut-être son dernier.
Gravement malade quand il en conçut le projet, au point qu'il pensait ses jours en danger, il avait rompu avec le cinéma, découragé par l'énergie démesurée que demande, aujourd'hui, la continuation d'une œuvre comme la sienne, mue par la seule croyance dans les puissances de son art. Cette condition n'a pas contribué à donner aux Chiens errants une tonalité riante, mais elle éclaire l'ambition de ce film sublime, qui organise la circulation entre le monde des vivants et celui des morts, entre espace physique et espace mental, entre rêve et réalité. Dès le premier plan, qui montre une femme, dans une pièce toute noire aux murs suintants, assise sur un lit où dorment deux beaux enfants, le spectateur est plongé dans un état de quasi-hypnose dont il ne sortira pas.
La parole, comme dans tous les films de ce grand artiste halluciné, est rare et les plans longs. Le spectateur s'abandonne au frémissement des feuilles, au mouvement d'une caresse sur un visage, au son de la pluie diluvienne qui emporte le film dans son flux, refabrique inconsciemment le hors-champ qui vibre aux bords du cadre..."
" Il y a des errances que l’on choisit. Elles sont d’ordre matériel ou spirituel, aident à passer des caps, à prendre un rythme personnel q
" Il y a des errances que l’on choisit. Elles sont d’ordre matériel ou spirituel, aident à passer des caps, à prendre un rythme personnel que la marche du monde n’autorise pas ou plus à faire sien. Et il y a des errances que l’on subit, parce qu’elles sont imposées par ce rythme global qui s’accélère et tourne dans une spirale frénétique. Ces errances-là sont aliénantes. Elles entraînent le froid, la faim, la précarité économique, la détresse psychologique, une sensation collante de solitude et de désespoir qui ne parvient jamais réellement à partir. Ce sont ces errances qui sont au cœur du nouveau long-métrage de Tsai Ming-Liang, comme un état de fragilité extrême incarné dans différents symptômes dont la description cinématographique requiert une forme d’âpreté aiguë et exigeante. (...)
Le film fonctionne par le ressassement perpétuel d’images et d’espaces singuliers : un supermarché, un carrefour urbain et toujours battu par la pluie où le protagoniste reste planté toute la journée, transformé en homme-sandwich, un immeuble post-apocalyptique où l’employée de supermarché vient trouver refuge et une forme de réconfort… Jamais la modernité de Taipei ne noie les personnages dans la foule ; par son indifférence, elle les confinerait bien plutôt à un isolement parfois irréaliste, un anonymat par défaut, puisqu’il ne reste plus que ces seuls visages sur la Terre. Les hommes n’existent plus, ne restent qu’une bande de chiens qui s’abritent dans les entrailles de cet immeuble abandonné, ou encore cet arbre géant que les deux enfants explorent au début du film. La topographie de la ville que dessine le film est d’ordre purement mental : la ville côtoie la nature, frontière qui signe une échappée possible mais toujours désespérée, comme en témoigne une magnifique scène de pluie nocturne.
A la différence du Thaïlandais Apichapong Weerasethakul, avec lequel il partage des affinités esthétiques, l’univers du cinéaste taïwanais refuse à ses personnages l’accès à leur propre mythologie : tous ne demandent qu’à basculer dans un autre monde, par l’image et par le conte, mais bien rares sont ceux qui y parviennent – et c’est là la vraie misère du monde contemporain. Il y a ceux qui rêvent et ceux qui n’en ont plus le courage ; c’est pour ces derniers que la caméra haut perchée du réalisateur, comme observant les scènes depuis le plafond, tentant d’englober la totalité de la pièce, prend tout son sens. Avec Les chiens errants, Tsai Ming-Liang pousse les curseurs formels qu’il a toujours explorés, sans l’encombrante pesanteur qui a parfois fait passer son cinéma de la contemplation à la posture."
" « Ce cinéma est hanté », prévenait l’un des mystérieux personnages de Goodbye Dragon Inn sans que l’on ne sache s’il parlait uniquement du
" « Ce cinéma est hanté », prévenait l’un des mystérieux personnages de Goodbye Dragon Inn sans que l’on ne sache s’il parlait uniquement du lieu où se déroulait l’action du film (un cinéma sur le point de fermer) ou bien de l’art de Tsai Ming-liang. Au regard de l’ensemble de la filmographie du cinéaste, l’avertissement fonctionnait sur les deux niveaux et continue aujourd’hui, avec Les Chiens errants, d’inoculer une inquiétude teintée de surnaturel aux films du réalisateur taïwanais.
Cinéaste du vide, Tsai Ming-liang a développé un art de la pantomime aride et désenchantée en laissant ses personnages zoner dans des décors fréquemment désertés, captant leur indolence aphasique par le biais de longs plans fixes. Malgré cette stylisation de la vacuité – qui lui a parfois été reprochée –, le cinéma de Tsai Ming-liang, dans ses meilleurs moments, ne pourrait être réduit uniquement à la mise à plat d’une maîtrise formelle impeccable : non seulement cette élégance rigoureuse a souvent été capable d’accueillir quelques saillies obscènes ou potaches, mais elle a aussi fréquemment été la première couche d’un empilement vertigineux. Voilà ce qui fait de cette œuvre un « cinéma hanté » : derrière leur apparente préciosité, les films du Taïwanais sont travaillés par une potentielle annulation de ce style faussement impassible (grâce à un humour diffus et une impudence parfois flagrante), en même temps qu’ils ouvrent toujours une fenêtre sur un monde halluciné, un espace trouble où la réalité se distille dans un onirisme ou une fantasmagorie particulièrement sombres."
Nos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PREMIUM
9 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
15 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
49 | ,99€ |
/an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE PROMO
69 | ,99€ |
pour 1 an |
PREMIUM
99 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
175 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE