Imamura Shôhei, le Japon sera féminin ou ne sera pas
Chez le cinéaste Shohei Imamura, la femme n'est pas seulement vue au travers du prisme du désir et de la sexualité1
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En 45, le docteur Akagi et ses amis sont en marge du Japon militarisé. Un soldat hollandais blessé va souder ce groupe qui tente de dépister un virus...
A la veille de la rédition du Japon en 45, le docteur Akagi et ses deux amis de toujours, un bonze débauché et un chirurgien morphinomane, sont en marge du Japon militarisé. Sauvage, naïve et prostituée, une femme, Sonoko, rayonne sur ce trio. L'apparition d'un soldat hollandais blessé, échappé d'un camp, va souder ce groupe qui tente de dépister le virus de l'hépatite qui fait des ravages.
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"Le Japon de 39-45 dans un film aussi pétillant que profond. (...). Bien que se déroulant pendant la guerre, le film est
"Le Japon de 39-45 dans un film aussi pétillant que profond. (...). Bien que se déroulant pendant la guerre, le film est souvent proche de la comédie. (...)
Cette course qui scande le film, en nous faisant découvrir tout un paysage urbain, est la signature du personnage, l’expression de son dévouement et de sa folie douce. Son irrépressible désir de connaître lui occasionnera d’ailleurs quelques tracasseries lors de ses extravagantes recherches… Ce microcosme bon enfant au credo épicurien rappelle aussi l’univers de John Ford, un autre cinéaste humaniste qui a toujours fait passer le plaisir de vivre et le bon sens avant les lois et les dogmes.
Cela n’empêche pas pour autant Imamura de s’aventurer chez les baleines, de faire frémir en évoquant les expériences de vivisection des Japonais sur des prisonniers et d’exorciser par un gag l’éternel traumatisme nippon : la bombe atomique."
" Kanzo Senseï renoue avec la veine acerbe et gratinée de l'auteur de La vengeance est à moi. Le film, libremen
" Kanzo Senseï renoue avec la veine acerbe et gratinée de l'auteur de La vengeance est à moi. Le film, librement adapté d'un roman d'Ango Sakaguchi, qui signa, notamment, un Traité de la déchéance de lourde influence sur la jeune génération d’après-guerre, passe tout entier comme une sorte de crise erratique et aberrante.
Le récit colle au train du Dr Akagi (...) figure locale un peu pittoresque, à la limite de la charlatanerie. Certes, les gens l'appellent à leur chevet mais personne ne semble vraiment croire en sa capacité à soigner qui que ce soit. Imamura se garde bien de trancher sur ce cas de médecine litigieux, mais on comprend peu à peu que le médecin va plutôt mieux dans sa tête que le pays et la population qui l’entourent. Accroché jusqu'au délire suicidaire au désir de ne pas perdre, le Japon, isolé, s’enfonce alors dans une barbarie incontrôlable, avec, d'un côté, des militaires assoiffés de sang et, de l'autre, des civils endoctrinés. L'excentricité d’Akagi et de ses potes - un bonze alcoolique, un chirurgien morphinomane et une prostituée, Sonoko (Kumiko Aso) - apparaît en définitive comme un désordre rationnel, opposé à l’ordre dément de l’empire avant la bombe.
Parmi les symptômes avérés de l'hépatite, il faut compter avec de violentes nausées et une longue période d’asthénie après la guérison. On ne va pas appuyer davantage sur la métaphore, qu’Imamura de toute façon file, lui, jusqu'au bout dans un final en forme de jaunisse apocalyptique, mais il ne fait aucun doute que Kanzo Senseï montre le metabolisme vraiment détraqué du Japon d’alors et va jusqu’à communiquer au spectateur les distorsions de la fièvre. Ainsi l’humeur d’une même scène peut-elle changer brutalement de l’euphorie au sentiment tragique de l'existence, de la farce au drame, du dynamisme à l’inertie. Akagi, bientôt lancé dans sa recherche du virus hépatique, aidé par un évadé néerlandais (Jacques Gamblin) qu'il dissimule aux autorités, expérimente, parfois dans un seul mouvement rageur, le nuancier de ces états de l'âme et du corps, cette viande sensible. Dans tous les sens.
Film profondément houleux, parfois difficile à suivre en raison de sa grande désinvolture, film jalonné d'accès de violence sidérants, jouant d’improbables dénivellations entre temps faibles et forts, Kanzo Senseï est un objet vraiment étrange. Qu'il traite de l'obstination quasi robotique d'Akagi, des émois amoureux incompris de Sonoko ou de la résistance aux coups du soldat néerlandais, le film reste toujours énigmatique dans chacune de ses parties, comme si Imamura refusait de livrer l'équation souterraine permettant de les relier. Parce que pour Imamura, à l’instar d’Akagi, l'important, c'est de courir, dans tous les sens, vers toutes les hypothèses, sans jamais se soucier de la ligne d’arrivé."
" A l’image de son héros, Kanzo Senseï est un film fluide, toujours en mouvement et qui, sans effets tapageurs, atti
" A l’image de son héros, Kanzo Senseï est un film fluide, toujours en mouvement et qui, sans effets tapageurs, attire irrésistiblement la sympathie du spectateur. Une véritable leçon de jeunesse aussi, signée d’un monsieur de 72 ans, Shohei Imamura. L’un des grands maîtres du cinéma japonais, deux fois Palme d’or - La ballade de Narayama (1983), L'anguille (1997). Cette année, celui qui réalisa son premier film en 1958 était de nouveau sélectionné à Cannes avec Kanzo Senseï, mais hors-compétition (...)
Les producteurs nippons ont avalé leur saké de travers quand ils ont pris conscience que l’action se déroulait... en 1945. Voir un prisonnier hollandais (Jacques Gamblin) torturé à mort n’est pas des plus politiquement correct au pays du Soleil levant. Plus qu’un film politique, Kanzo Senseï est avant tout une oeuvre pleine d’humanité parcourue par une formidable joie de vivre. Un peu comme dans ces productions italiennes de la meilleure veine qui font alterner tragédie et humour (...)
Adapté d’un roman d’Ango Sakaguchi, Kanzo Senseï est aussi l’hommage d’un fils à son père. « Mon père était médecin, indique Imamura. Son luxe était d’être habillé en blanc. Egalement, sa façon à lui de témoigner du respect à ses patients dont il était très proche. Il y a quelques années, j’ai dû passer un scanner et je me suis senti enfermé dans cette machine comme dans un cercueil. J’ai alors ressenti une terrible crise d’angoisse. Je me suis dit à ce moment là que les appareils les plus sophistiqués ne remplaceraient jamais la simple humanité d’un médecin de campagne. »
Une humanité que l’on retrouve aussi à travers le personnage de Sonoko. Le cinéaste de Désir meurtrier a souvent privilégié les femmes, en particulier les prostituées, dans ses films. L’explication est peut-être à trouver dans la jeunesse dissolue d’Imamura. Au lendemain de la guerre, pour survivre, le réalisateur s’était livré au marché noir du saké. Un trafic pratiqué dans les quartiers louches de Tokyo où il croise prostituées et petits malfrats. Pour lui, le sexe c’est la vie et non pas synonyme de honte comme pour beaucoup de ses concitoyens.
« J’adore les prostituées et je déteste le Japon moderne, rigole Imamura. Elles, au moins, rendent service à leurs contemporains. Je trouve que notre cinéma se montre très frileux vis à vis du sexe. Je n’ai pas beaucoup de points commun avec Ozu - autre grand cinéaste japonais - mais j’ai appris de lui, lorsque j’étais son assistant à ne pas céder à la pression des studios. Vu mon âge, je n’ai pas envie d’attendre dix ans pour réaliser mon prochain film mais je veux avant tout rester un homme libre et droit. Même avec une canne ». "
Il y a quelque chose de Buster Keaton dans ce médecin coiffé d'un canotier qui court sans relâche d’un malade
Il y a quelque chose de Buster Keaton dans ce médecin coiffé d'un canotier qui court sans relâche d’un malade à l’autre, pour toujours diagnostiquer une maladie de foie. Il souffle, s’essouffle, s’éponge le front, mouille sa chemise, s’épuise, mais repart pourtant, trottinant derrière son obsession. Son pays est en guerre, presque vaincu déjà, son pays est malade. Deux observations distinctes ? Justement, non. En Occident, les anciens faisaient du foie le siège des affections mentales. Quel est le mot japonais pour mélancolie ?
Le docteur Foie (incarné par l'étonnant Akira Emoto) veut découvrir l’origine du virus de l’hépatite. Quelques ombres l’assistent, marginaux, rejetés, réprouvés, ennemis. Un vieil ivrogne, une prostituée (elle a juré de ne plus se faire payer, mais n’arrive pas à tenir parole), un prisonnier hollandais (Jacques Gamblin). Portraits à la fois grotesques et tendres, dessinés par un cinéaste qui peut tout se permettre, passer d’une scène burlesque à un moment de violence pure, obscène, terrifiante, filmer le désespoir silencieux et immobile d’un père auquel on apprend que son fils, soldat, a été tué, partir à bord d’une misérable barque chasser la baleine...
Parce qu’il n’a plus rien à prouver, Imamura ose tout. Parce qu’il exerce son art en virtuose, parce qu’il veut s’amuser, parce qu’il est capable de parler des détails avec gravité, avec légèreté des choses graves, il réussit tout.
Enfermé dans son obsession, le docteur Foie ne voit plus le monde et les êtres. Il s’est détourné du sexe, le reproche lui en est fait, il sublime comme... comme un malade. Le film est aussi l’histoire de sa guérison, l’histoire d’une certaine acceptation de soi, tandis qu’il va d’île en île, parcourant inlassablement un monde qui s’écroule, dont les valeurs s’effondrent une à une, à mesure que gonflent les ventres malades. Où est donc le militarisme japonais si souvent décrit ? Imamura se rappelle ces années-là, il se souvient de son père, médecin lui aussi, fait siennes les propositions de son fils (la baleine), et combine le tout à la trame du roman d’Ango Sagakuchi, que depuis près de cinquante ans il rêvait d’adapter.
Cela donne un film qui semble partir dans tous les sens, qui crépite et étincelle, projette des lueurs dans les moindres recoins et éblouit autant qu’il ravit.
De même que le docteur Foie use de la lampe à arc d’un appareil de projection pour bricoler un microscope, Imamura se sert du cinéma pour observer les êtres, pour les montrer dans ce qu’ils ont de plus extravagant et de plus commun, pour les comprendre et les aimer. Et lorsqu’à la fin s’élève dans le ciel un nuage destructeur en forme de foie malade, produit par la folie des hommes, on sait que le Buster Keaton nippon avait raison contre tout le monde.
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